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Pourquoi l'efficacité, ça compte ?

Dès 2013, Toby Ord a souligné les grandes différences dans le domaine de la santé mondiale dans son article “The Moral Imperative towards Cost-Effectiveness in Global Health“. Ord a examiné le rapport coût-efficacité de mesures tirées du jeu de données accessible au public “Disease Control Priorities in Developing Countries (second edition – DCP2)” de la Banque mondiale. DCP2 a comparé 108 interventions dans des pays à faible revenu, allant des interventions chirurgicales aux vaccins et aux moustiquaires, en passant par des programmes de santé publique comme la distribution gratuite de préservatifs pour la prévention du SIDA. Ord a examiné combien d’années de vie en bonne santé (disability-adjusted life-years, DALY) ont été gagnées pour chaque millier de dollars investis. 

 

Ses analyses montrent que l’intervention la plus efficace était environ 15 000 (!) fois plus efficace que la moins efficace. Les 2,5% de mesures les plus efficaces étaient environ 50 fois plus efficaces que la médiane et 23 fois plus effiaces que la moyenne. Pour chaque millier de dollars investi, elles pouvaient donc contribuer à 50 fois plus d’années de vie pondérée par la qualité (quality-adjusted life-years, SALY) que la médiane (ou 23 fois plus que la moyenne). (Les différences sont si énormes qu’il vaut la peine de lire deux fois le paragraphe ci-dessus pour s’en rendre compte).

Rapport coût/efficacité des interventions en matière de santé d’après le Programme de contrôle et de priorités des maladies 2 (DCP2). 

 

Rapport coût/efficacité des interventions en matière de santé d’après le Programme de contrôle et de priorités des maladies 2 (DCP2). 

Les interventions les plus efficaces ont donc généré une part disproportionnée du bénéfice total. Si toutes les interventions de l’étude DCP2 étaient financées à parts égales, 80% des bénéfices seraient générés par les 20% d’interventions les plus efficaces. Si l’on choisit une mesure moyenne du DCP2 plutôt que l’une des plus efficaces, on perd plus de 90% des avantages potentiels que les mesures les plus efficaces auraient pu générer avec les mêmes ressources. 

 

 

Récemment, Benjamin Todd de l’organisation 80,000 hours a cherché à savoir si cet effet se retrouvait dans d’autres ensembles de données. Pour ce faire, il a examiné un large éventail de mesures et de domaines thématiques, dont la récente étude DCP3, les données WHO-CHOICE, les mesures de santé au Royaume-Uni et la politique sociale aux États-Unis, mais aussi une étude renommée sur le rapport coût-efficacité des mesures de protection climatique et des données sur l’éducation. Là encore, les mêmes différences énormes : dans tous les ensembles de données, les 2,5% de mesures les plus efficaces en termes de coûts étaient environ 20 à 200 fois plus efficaces que la médiane et environ 8 à 20 fois plus efficaces que la moyenne.

 

 

Todd conclut, en adoptant une approche conservatrice, que les différences pourraient en fait être moins importantes que ne le suggèrent ses résultats. Par exemple, il se pourrait que les meilleures interventions n’aient déjà plus besoin de financement et que, par conséquent, les meilleures interventions disponibles soient légèrement moins efficaces que celles étudiées. En outre, les données sont généralement rétrospectives et peut-être trop optimistes pour l’avenir. Enfin, toutes les analyses reposent sur des hypothèses qui, par la force des choses, ne peuvent pas refléter parfaitement la réalité. Il en résulte souvent que les bons résultats semblent encore meilleurs qu’ils ne le sont en réalité et que les mauvais résultats sont encore plus mauvais – la marge entre les mesures très efficaces et celles qui le sont moins peut donc sembler plus grande qu’elle ne l’est en réalité.

 

 

Mais il y a aussi des raisons de penser que ces études sous-estiment même la différence entre les très bonnes interventions et les interventions moyennes. Ainsi, les ensembles de données comprennent surtout des mesures facilement mesurables – les interventions particulièrement efficaces (p. ex. dans le domaine du plaidoyer), qui sont plus difficiles à mesurer, ne sont que rarement enregistrées. De plus, les études se concentrent généralement uniquement sur les effets directs des mesures. Les effets indirects, aussi appelés cobénéfices, ne sont habituellement pas pris en compte. Une association mettant en avant son impact et participant à de  nombreuses études scientifiques contribue à ce que l’aide humanitaire et la coopération au développement dans son ensemble se penche davantage sur le thème de l’efficacité. Or, la plupart des analyses coût-efficacité ne tiennent pas compte de cet effet. 

 

En ce qui concerne les dons à impact, nous partons du principe que les meilleures de toutes les mesures au sein d’un champ thématique sont environ 10 fois plus efficaces que la moyenne, voire jusqu’à 100 fois dans certains cas.

 

 

Quel rôle joue le choix du domaine thématique ?

 

 

Les différences mentionnées ci-dessus ne concernent que les interventions au sein d’un domaine thématique, par exemple les interventions dans le domaine de la santé globale. Le choix du domaine thématique en soi fait toutefois une différence tout aussi importante – voire plus importante – dans l’impact obtenu. 

 

Les domaines thématiques les plus pertinents à nos yeux partagent un certain nombre de caractéristiques communes :

 

    Ils sont d’une grande ampleur – ils concernent un nombre particulièrement élevé de personnes ou d’autres êtres vivants dans une mesure considérable ;

  • Ils ont un caractère négligé  – ils reçoivent comparativement peu d’attention ou de ressources ;

  • Ils ont un potentiel d’amélioration – il est prouvé que des ressources ,y compris les donations, supplémentaires peuvent améliorer la situation.

 

 

Deux exemples simples permettent de saisir les différences. Dans l’UE, environ 2,7 millions de personnes sont atteintes d’un cancer chaque année et 1,3 million en meurent. Le coût des traitements contre le cancer en Europe s’élève à environ 103 milliards d’euros par an. En comparaison, le paludisme tue encore environ 600 000 personnes par an dans le monde, mais les dépenses mondiales ne s’élèvent qu’à environ 4,3 milliards de dollars par an. Par rapport au nombre de décès annuels, la lutte contre le paludisme reçoit donc nettement moins de ressources que le cancer. Par conséquent, un don supplémentaire peut très probablement avoir un impact beaucoup plus important. 

 

 

 

De plus, le paludisme est surtout présent dans le Sud. Le pouvoir d’achat y est toutefois beaucoup plus faible que chez nous – avec le même montant, on peut donc “mécaniquement” y faire beaucoup plus. 

Produit Intérieur brut par habitant (en parité de pouvoir d'achat) - 2022, d'après la Banque Mondiale

Banque Mondiale

En conséquence, le choix du domaine thématique permet de multiplier rapidement l’impact par 10 ou plus. Et les effets se multiplient – un don à une organisation très efficace dans un domaine thématique pertinent atteint donc facilement 100 fois plus de bien qu’un don moyen – une excellente nouvelle pour les donateurs qui souhaitent atteindre le plus de choses possibles avec leur argent !

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